LE CORRIDOR VERT CHÂTEAUGUAY-LÉRY : DU RÊVE À LA RÉALITÉ ?
Une présentation de Boisés et écologie – Châteauguay par Guy Turcotte, le 29 mars 2024
C’est en 1973 qu’on a évoqué pour la première fois publiquement l’idée de protéger les boisés le long des villes de Léry et de Châteauguay. La Ville de Châteauguay a procédé à la première acquisition de terrain aux fins de conservation dans ce qui est maintenant le corridor vert.
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Après plus de 50 ans, envers et contre tous, la protection intégrale du corridor vert est dans la mire : la Communauté métropolitaine de Montréal l’a inclus aux fins de protection dans un règlement de contrôle intérimaire (RCI) en avril 2022 et a procédé à plusieurs acquisitions de terrain par la suite. Mais des poursuites de certains propriétaires et le règlement 215 de la MRC de Roussillon jettent une ombre au tableau, qui pourrait s’avérer néfaste si le RCI tombe. La vigilance est toujours de mise et la mobilisation citoyenne ne doit pas baisser la garde !
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Une chronologie des événements marquant l’histoire du corridor vert Châteauguay-Léry
1973 : la ville de Châteauguay (à la suite de pressions du directeur des loisirs Roger Sylvestre) achète le premier terrain aux fins de parc. Ce terrain, le Parc urbain, deviendra la forêt Fernand-Seguin, puis le centre écologique Fernand-Seguin (CEFS).
1984 : création du groupe Option Verte pour obtenir la protection du parc urbain, composé de Georges Duchesne, Michel Préville, Luc L’Écuyer, Pierre Aquin et Claude Pitre (entre autres).
1986 : fondation d’Héritage Saint-Bernard et intensification des interventions pour la protection du corridor vert.
1986-1987 : aménagement des premiers sentiers dans le Parc urbain par Option Verte.
1993 : création d’un refuge faunique sur l’Île Saint-Bernard et premier bail (de quarante ans) entre les Sœurs Grises et la Fondation de la Faune.
1998 : aménagement de sentiers au refuge faunique et début d’ouverture au public.
1999 : création du centre écologique Fernand-Seguin et aménagement de sentiers récréatifs : ski de fond, raquette, piétonniers et d’interprétation; ententes de conservations visant le ruisseau Saint-Jean.
2003 : adoption d’un règlement de contrôle intérimaire (RCI) par la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) pour protéger 31 bois métropolitains, dont plusieurs entre Châteauguay et Léry, à la suite d’orientations gouvernementales visant à protéger les milieux naturels. En raison d’un changement de gouvernement à Québec, ce RCI n’a jamais été adopté officiellement.
2008 : création de SOS Forêt Fernand-Seguin et mobilisation citoyenne, à la suite d’un réveil brutal : les citoyens apprennent que le RCI de 2003 a été mis en veilleuse par le nouveau gouvernement libéral et que plusieurs projets de développement sont prévus dans les Bois métropolitains. Il y a entre autres à Châteauguay, un énorme projet de centre sportif « Soccerplex » qui ferait disparaître un million de pieds carrés de forêt.
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Recrutement d’Hubert Reeves comme porte-étendard de SOS FFS.
2009 : recensements floristiques et fauniques notamment par André Sabourin qui démontrent la présence de 38 espèces floristiques rares, de 150 espères de mousses (bryophytes), 125 espèces d’oiseaux dont 71 nicheurs, 316 espèces de champignons (Raymond McNeil) dont 22 très rares et un écosystème forestier exceptionnel.
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consultation publique à Châteauguay : 484 mémoires, 92 % pour la protection intégrale (une option qui n’était même pas suggérée par la Ville);
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distribution de plusieurs dépliants à Léry et à Châteauguay;
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pétition : 12 145 signatures (600 signataires de Léry – qui comptait 2 000 habitants);
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la question de la protection du corridor vert Châteauguay-Léry est devenue un enjeu lors des élections municipales. À Châteauguay, élection de Nathalie Simon.
2010 : achat du refuge faunique Marguerite-d’Youville par Canards Illimités et Québec.
2011 : achat du tertre de l’île Saint-Bernard par la Ville de Châteauguay.
2012 : achat de quelques terrains boisés par la Ville de Châteauguay et agrandissement du CEFS. Terrains réservés pour la conservation par le MTQ et le MELCCFP; Ajout de 11 hectares.
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révision du Plan métropolitain d’aménagement durable (PMAD) de la CMM et inclusion de certains boisés aux fins de conservation. Les MRC ont eu la responsabilité de classifier ces boisés conservation ou protection;
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à Léry : tenue d’une consultation publique sur la protection du corridor vert, 148 participants et 92 % pour la protection du corridor vert. Léry revoit son plan d’urbanisme en catastrophe avant l’adoption du nouveau PMAD, mais il n’est pas adopté.
2015 : à la suite de l’adoption du PMAD de la CMM et des règlements de concordance de la MRC de Roussillon, des poursuites de propriétaires sont déposées contre la Ville de Léry pour expropriations déguisées pour 45 millions de dollars.
2018 : élection de Pierre-Paul Routhier à Châteauguay : projet de dézonage de terrains en conservation du secteur Maupassant, projet abandonné, à la suite de l’opposition citoyenne.
Adoption d’un plan du secteur du chemin Saint-Bernard.
2019 : projet d’un centre national de baseball dans le corridor vert; projet abandonné, à la suite de l’opposition citoyenne.
2020 : adoption du règlement 215 (proposé par P.-P. Routhier) qui permet de la construction résidentielle dans le corridor vert – mobilisation citoyenne – 700 mémoires contre le règlement 215 qui est tout de même adopté après avoir été modifié pour en retirer certains éléments dangereux. Reste que ce règlement si appliqué peut signifier la perte de 30 pour cent du corridor vert au profit de développements résidentiels.
2021 : la CMM prend en main le dossier des litiges concernant le corridor vert.
2022 : adoption d’un règlement de contrôle intérimaire (RCI) de la CMM qui agrandit le corridor vert par l’ajout de terrains dans le corridor vert (dont la terre 16 à Châteauguay). Ce règlement interdit toute construction dans les territoires visés.
Modification de la Loi sur les espèces menacées qui inclut une dizaine de plantes dont l’aubépine ergot-de-coq qui reçoit ainsi un statut de protection supplémentaire.
2023 : acquisition stratégique de 35 hectares par la CMM et modifications aux règles concernant les expropriations déguisées par Québec. Les propriétaires de terrains protégés aux fins de conservation ne peuvent plus intenter de poursuites abusives (pour expropriation déguisée) contre les municipalités.
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LES DÉFIS ET LES ENJEUX TOUJOURS PRÉSENTS
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Les poursuites de propriétaires à Léry : on attend la décision du tribunal à la suite du procès qui a eu lieu en novembre 2023. La décision quel qu’elle soit pourrait se retrouver en appel.
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Les acquisitions de terrains : les gouvernements supérieurs doivent continuer d’être au rendez-vous et de fournir une aide financière.
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La mise en valeur et l’aménagement du corridor vert et l’assurance d’avoir des servitudes de conservation à perpétuité.
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Le nouveau PMAD de la CMM : Les échos reçus des discussions sur le nouveau plan d’aménagement de la CMM sont inquiétants; la détermination de certaines municipalités ou secteurs de la CMM à protéger l’intégralité du corridor vert semble s’effriter.
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Les prochaines élections municipales : il faudra s’assurer que la protection des milieux naturels demeure une priorité des candidats et que ce ne soit pas que de belles promesses électorales.
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La mobilisation citoyenne : ce n’est pas facile de mobiliser les citoyens – ça prend des événements chocs, qui créent de l’indignation, presque des « scandales » pour intéresser les gens à passer à l’action.
Le corridor vert Châteauguay-Léry : c’est près de mille hectares d’écosystème forestier exceptionnel. Un peu plus de la moitié a un statut de protection à perpétuité ou est à la veille de l’être. La perte du restant viendrait ajouter au triste bilan de la perte du couvert forestier dans la MRC de Roussillon – entre 1999 et 2017, 860 hectares de forêts ont disparu et 930 hectares de milieux humides ont été perdus entre 1990 et 2013.